mardi 4 octobre 2011

la botte d'Ulysse, sténopé

En redécouvrant cette photographie de la botte d’Ulysse, je me suis trouvé perplexe : j’étais en tant que photographe face au souvenir d’une émotion.

Dans un même temps, je lis une phrase d’ Anne Marie Garat qui dit dans son livre « photos de famille » : « Mes souvenirs commencent où je trébuche… »

Je me retrouvais en face de ma photographie prise en 2001 et en même temps je trébuchais face au temps qui s’était écoulé depuis le moment de la prise de vue qui me semble si proche et qui physiquement s’est éloigné, puisque maintenant Ulysse à 13 ans et est entré dans l’adolescence. La photographie est aussi fondamentalement cette charge émotive qui est libérée quand le doigt se retire de l’ouverture du sténopé et que la lumière agit sur les sels d’argent.

Cette photographie évoque un souvenir de l’enfance pour Ulysse où tout va très vite et elle est pour moi le souvenir de cet instant de la prise de vue alors que pour vous elle est image.

Rarement un enfant reste longtemps assis, surtout dans un jeu. Le mouvement amorce la venue d’un sentiment furtif en nous : qui nous place devant l’instant même où tout se passe.

Photographier est pour moi comme un jeu : une ambiance, une lumière ; une émotion se dévoile devant nous ; l’œil voit et participe à ce jeu.

Ici le sténopé est campé au ras du sol, donnant un autre champ de vision. J’aime poser ma boîte par terre, pour retrouver la hauteur du regard de l’enfance. Ceci permet de lire autrement le paysage, de voir l’espace sous un autre angle, c’est un outil simple. Il permet aussi un lâcher- prise face au sujet.

Le sténopé est donc ainsi proche du regard de l’enfant qui veut tout examiner, explorer avec une frénésie ludique. Son territoire si petit, soit il, est pour lui, le monde entier. Les couleurs, les odeurs viennent nourrir ses émotions. Pour l’enfant la netteté, le parfait n’existe probablement pas.

L’enfant ici est comme le lapin blanc d’ Alice qui gratte la terre avec frénésie. Il ne trouve rien au départ qu’une masse informe et ensuite, il arrive au jardin merveilleux. Sauf que la reine de pique peut arriver mais ce sont alors d’autres aventures ludiques expérimentales qui s’amorcent.

samedi 1 octobre 2011

empreinte et mémoire



L’image photographique enregistre un espace conjoint à un vide sur une étendue réduite. Fractions de paysage. Fragmentations de mémoire : repérer, observer, et cibler la diversité des paysages de notre environnement personnel, proche. Lire ces paysages avec les yeux. Puis les écrire, sédimentation de la lumière.

Minéraux, végétaux, matières, formes … Tout ce qui est présent autour de moi élabore avec l’imaginaire une dimension visuelle, une prise de vue, un instantané de l’image, le désir du jeu qui s’ inscrit dans la création.

La photographie raconte, nous raconte, se souvient. Elle est notre mémoire et notre confidente. En transcrivant la réalité, on déclenche un processus intérieur qui fixe en un temps donné, en une zone particulière la force du vide perçu.

Les traces de boue, les espaces entre les trouées de lumière et l’opacité forment une image. La feuille encore accrochée, les herbes fugaces, la flaque d’eau, le souffle du vent, la pluie ou l’empreinte d’un pas sur le terril deviennent des graffitis naturels, des paysages imaginaires.

Ils révèlent la lumière, l’attente, la persistance du regard et l’écriture de l’empreinte.

Le paysage apparaît dans le territoire dès lors qu’il y a perspective imaginaire. Une fenêtre ouverte, la vue d’un ciel ou d’un arbre, une saison particulière. Ce que je vois et observe se transforme, me parle, m’accompagne dans les gestes quotidiens.

L’axe de la photographie demeure fixe ; à l’entour, tout bouge, et demande / cherche à être capté.

la nuit dans les villes

Calais, musée des beaux-Arts



La vie au quotidien dans le sein d’une ville devient comme une succession d’images qui s’imprime : carnet de découvertes, carnet de voyage, carnet de notes. Traverse, pont entre deux mondes.

Au cœur de la nuit qui ressemble au sommeil, qui est presqu' hypnotique, les choses et les gestes se transforment. Tout acquiert une dimension particulière, prolonge l’instant au-delà de ce que l’on voit ou perçoit. J’aime m’arrêter dans l’instantané furtif d’un moment, là où tombe une lumière crue de lampadaire, là où le mur d’un monument semble disparaître, lorsque la statue se confond avec le voile nocturne ou quand des promeneurs égarés enveloppés de clarté citadine marchent un peu plus vite.

Les ombres se mêlent à la terre, aux graffitis, aux affiches ; à certains endroits, sortent de la pénombre active, des éléments qui deviennent essentiels, farouchement provocateurs ou juste insignifiants mais qui marquent de leur empreinte ce que je cherche dans les rues, en marchant et en observant.

La nuit porte en elle les ténèbres, le silence, l’angoisse ou l’abandon. En longue séquence ; Le blanc et le noir qui se superposent, se juxtaposent. Le dénuement de l’obscurité créant un passage à vide : l’ouverture du regard, la plongée dans le mystère d’une cité presque totalement vidée de ses habitants.

L’aspect des cités en nocturne ou au crépuscule, lorsque la lumière perd de son intensité, au fur et à mesure comme en Europe, ou très rapidement comme au Vietnam m’a toujours fasciné. Il existe alors un étirement du temps, un rapprochement entre la lumière et l’ombre où toute chose, forme et silhouette s’inscrivent d’une façon plus concise, prennent une teinte de neutralité ; impression que la lumière vient de l’objet regardé. En nocturne, l’homme se détache de l’aspect purement matériel de l’existence, survient alors une liberté qui n’apparaît pas dans la journée. Et que je cherche à retranscrire.

vendredi 30 septembre 2011

lundi 26 septembre 2011

Atelier Sténopé: Nina au jardin

Sténopés en carton faits "maison"... Tests d'images et de poupées, dans le jardin, journée encore estivale ; un beau soleil... Photographies par Vinika.







lundi 23 mai 2011

La vierge au grenier, texte de Bernard Plossu


Comment se fait-il qu’en photographie, on en dit plus quand on est discret, plutôt qu’en assénant des choses spectaculaires ?

Une vierge dans un grenier, un réveil, des ados, un croisement de route, des bribes d’objets sur la plage, une ambiance moderne mais nostalgique, le présent déjà passé, des photos, " juste des photos “, envie de dire ......

Mais Rémi Guerrin sait VOIR. Pas si facile que ça, d’avoir ce que j'appelle " le ton juste ".

Une simple rigueur, un mystère, dans l’évidence, une force visuelle : là est le langage de la photographie : la force du non tape - à - l’oeil. Le contraire de l’esbroufe. Une sorte de non - composition bien composée en fait !

Je ne connais pas Bourbourg, je sais donc en voyant ces photographies que la mer n'est pas loin, que les rues sont ce mélange de moderne et d'ancien enchevêtrés, qu’on y détruit des maisons pourtant d'un passé proche, que la mémoire change, qu'une centrale nucléaire est par là bien protégée, qu’on y vit, qu’on y est jeune, que c'est en plein pied avec aujourd'hui, là dans le nord près de Dunkerque.

Photographe du discret, Guerrin est d'une grande, d’une très grande finesse. Il me fait penser à 2 autres photographes que j'admire énormément, Eric Dessert, et Jean Claude Mouton, eux aussi des auteurs de photographies subtiles et délicates qui, malgré leur apparente douceur, parlent avec force.

Car c'est là l’énigme de la photographie : pour parler fortement, elle en dit toujours plus en ayant un peu l'air de rien ! Guerrin sait éviter tous les pièges du spectacle, il est un témoin d'une fine lucidité de son temps.

Et la photographie a ainsi un rôle social essentiel, en parlant d'une manière " understated” , dirais - je en anglais, mot intraduisible en français mais qui parle de la notion de ne pas trop dire tout en le disant extrêmement bien.

Une telle série de photographies autour d'un lieu apparemment normal en raconte beaucoup sur notre époque. Mais c'est parce que Guerrin sait voir.

Une auto passe, une boutique est là, des fenêtres encadrent un univers, il ne s'agit pas de " beauté " mais de vérité.

La vérité photographique ainsi traitée est la vérité telle quelle : voici Bourbourg, vue avec une sorte de poésie moderne qui est remarquablement le meilleur document possible sur un lieu et son ambiance.

Rémi Guerrin est, si je peux me permettre, un des plus grands passeurs visuels de cette génération, qui parle avec un ton dans les gris de ce que peut apporter la photographie : un document dont la force sublime le réel.

Bernard Plossu